INTERVENTION DE

INTERVENTION DE Monsieur Jean-Paul DELEVOYE,
Ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l'Etat et de l'Aménagement du Territoire

sur les transferts de personnels associés à la décentralisation de nouvelles compétences au profit des collectivités locales devant les organisations syndicales représentatives des fonctionnaires


PARIS, le 30 janvier 2003

 

Mesdames, Messieurs,

 

 

Lorsque nous nous étions rencontrés le 17 décembre dernier pour évoquer, en présence de mes collègues Patrick DEVEDJIAN, ministre délégué aux libertés locales, et Henri PLAGNOL, Secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État, les projets du Gouvernement en matière de décentralisation, nous étions convenus de nous revoir rapidement pour aborder la question des transferts de personnels associés à cette réforme.

 

Je suis donc heureux de vous accueillir aujourd'hui pour entreprendre avec vous l'examen des données, des problèmes et des solutions afférents à cette nouvelle étape de la réforme de l'État.

 

Je souhaiterais, au préalable, faire le point sur l'état d'avancement des projets gouvernementaux.

 

Comme vous le savez, le projet de loi de réforme constitutionnelle qui constitue à la fois le socle et la première étape de la réforme voulue par le président de la République et conduite par le Premier ministre, a été définitivement adopté par les deux Assemblées le 4 décembre dernier.

 

La ratification, à l'initiative du Président de la République, devrait intervenir par la voie du Congrès, au début du mois de mars prochain.

 

Dans les semaines qui viennent, le Gouvernement devrait adopter, puis déposer sur le bureau des Assemblées, un projet de loi organique portant sur l'expérimentation et les référendums locaux.

 

Dans le même temps, des lois simples sont en cours d'élaboration en vue de préciser le champ et les modalités des transferts de compétence. Celles-ci devraient être discutées à l'Assemblée et au Sénat à l'été et à l'automne. C'est dans ce train de mesures législatives que s'inscriront en principe les résultats de nos travaux.

 

L'objectif du Gouvernement, en effet, est clair, il s'agit de réussir cette nouvelle étape de la décentralisation et pour cela de tirer parti des expériences du passé pour explorer des voies nouvelles.

 

La démarche que nous souhaitons emprunter est celle du dialogue social, de la persuasion et du respect des choix de chacun.

 

Nous devons faire en sorte les uns et les autres d'informer les personnels de la réalité de la situation, de leur montrer les avantages des solutions proposées et de mettre au point les dispositifs qui permettront de faire évoluer les choses dans le respect des garanties statutaires dont bénéficient les agents.

Les débats que nous allons avoir, et qui, si vous y souscrivez, se prolongeront dans les semaines à venir, seront donc placés sous le signe de la concertation, du pragmatisme et de l'efficacité.

 

J'en viens maintenant aux considérations générales qui serviront de point de départ à nos travaux. Elles porteront sur trois points : la période transitoire qui suivra les transferts de compétences aux collectivités locales, la période de transfert de personnels et la méthode de travail que nous pourrions adopter pour les semaines qui viennent,

 

I - La situation des personnels dans la période transitoire qui suivra les transferts de compétences.

 

Dès que le législateur aura procédé à la nouvelle répartition des compétences entre l'Etat et les collectivités territoriales, s'ouvrira une période transitoire pendant laquelle le service public devra être assuré alors même que les modalités pratiques d'exercice des nouvelles compétences par les collectivités locales n'auront pas été définies, ni la question des transferts de personnels réglée.

 

Ces transferts nécessiteront de circonscrire le périmètre des services correspondant aux compétences décentralisées. Il s'agit là d' un préalable classique dont le mode opératoire sera défini par le législateur, mais dont je souhaite qu'il soit réalisé le plus rapidement possible.

 

La date de promulgation de la loi ou celle de son entrée en vigueur ouvrira donc une période au cours de laquelle la réforme se mettra progressivement en place.

 

Cette période dont la durée sera fixée par la loi devra être aussi courte que possible de façon à ne pas perturber le fonctionnement des services, ni la gestion des personnels. Un délai d'un an après la date d'entrée en vigueur de la loi me parait raisonnable.

 

Au cours de cette période, les personnels de l'Etat dont les services auront été concernés par des transferts de compétences, seraient mis à disposition de la collectivité d'accueil.

 

Cette solution offre les meilleures garanties :

 

- garantie de continuité du service et d'égalité des usagers qui pourront bénéficier des prestations offertes par des agents compétents et qualifiés ;

- garantie de continuité pour les fonctionnaires qui, malgré le changement d'autorité, ne connaîtront aucun à coup dans leur gestion.

 

J'ajoute, et ce point mérite d'être souligné, que les transferts de compétences seront réalisés dans des conditions qui permettront aux personnels de l'État de continuer à travailler sur place. La crainte d'un déplacement géographique, que je peux comprendre dans la mesure où nombre de fonctionnaires ont fait des choix de vie, n'est donc pas fondée.

 

Une convention passée entre le représentant local de l'État et le président du Conseil régional, le président du Conseil général ou le maire de la commune réglera les modalités pratiques de cette mise â disposition des personnels.

 

Il - La période de transfert des personnels.

Au plus tard à l'échéance de la période transitoire, dont la durée pourra varier selon les ministères ou les services, les personnels devront prendre une option sur leur statut définitif.

 

Deux solutions sont envisageables : la première est l'intégration pure et simple dans la fonction publique territoriale, la seconde est le détachement de longue durée dans la collectivité d'accueil.

 

Je vous dirai enfin quelques mots de la formation des agents.

 

a) L'intégration dans la fonction publique territoriale

 

L'intégration dans la fonction publique territoriale des personnels des services dont les compétences auront été transférés est la solution la plus simple et la plus cohérente.

 

La fonction publique territoriale a atteint sa maturité et est devenue très attractive dans beaucoup de secteurs.

 

Le cadre juridique de la fonction publique territoriale, le titre III du statut général des fonctionnaires, s'est mis en place et, après des débuts marqués par des allers-retours entre des conceptions opposées, s'est stabilisé depuis 1994 dans le sens d'une affirmation des caractéristiques d'une fonction publique de carrière.

 

Les carrières y ont été construites, pour la plupart d'entre-elles, entre 1987 et 1995. Aujourd'hui, les statuts particuliers des cadres d'emplois permettent, sur la base de grilles largement homogènes et de conditions de reclassement favorables à la mobilité, d'accueillir facilement, et dans de bonnes conditions statutaires, les fonctionnaires de l'Etat qui le souhaitent. Les 59 cadres d'emplois existants offrent une diversité de missions et de fonctions que l'on trouve rarement dans la fonction publique de l'État. Les carrières y sont diversifiées et motivantes.

 

Il nous appartient donc, en relation avec les organisations représentatives de la fonction publique territoriale, de faire oeuvre de pédagogie et de montrer aux agents de l'Etat, qui très souvent l'ignorent, quelle est la réalité des déroulements de carrière, des régimes indemnitaires et des conditions de travail dans les collectivités locales.

 

Le Gouvernement entend tout mettre en œuvre pour favoriser une intégration réussie dans la fonction publique territoriale en accordant à ceux qui l'accepteront, avant-même la fin de la période de mise à disposition s'ils le souhaitent, des garanties individuelles sur les éléments fondamentaux de leur statut :

 

- je pense notamment aux personnels dont le corps est classé en service actif dans la fonction publique de l'État. Ceux-ci conserveront la possibilité de partir à la retraite par anticipation dans les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires relatives à cette situation ;

 

- même si la plupart des grilles indiciaires des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale ont été harmonisées avec celles des corps comparables de l'État, il sera nécessaire de procéder à un examen des différentes grilles lorsque le périmètre des transferts de compétences aura été défini. Si certaines grilles indiciaires se situaient en deçà de celles des corps comparables de l'État, il conviendrait de

les modifier afin, dans une première étape, de faciliter les intégrations et, dans une perspective de plus long terme, de permettre l'exercice de la mobilité entre les fonctions publiques. A première vue, ce type de situation devrait être peu fréquent.

- dans tous les cas où les déroulements de carrière seraient moins favorables dans la fonction publique territoriale, les personnels se verront garantir, comme cela a déjà été indiqué, le maintien de leurs avantages statutaires à titre personnel après intégration.

 

Ceci concerne, comme on l'a vu, le régime du service actif.

 

Je réfléchis parallèlement aux moyens de maintenir, au moment du transfert, le niveau des indemnités de chaque agent.

 

Ceci concerne également le système de retraite : les agents transférés auront la possibilité de choisir entre le maintien de leur rattachement à l'Etat et l'adhésion â la CNRACL. Un tableau de sa situation au regard de l'une et l'autre option sera présenté â chaque agent pour qu'il puisse exercer son choix de manière éclairée.

 

b) Le détachement de longue durée dans la collectivité d'accueil

 

Pour les agents qui ne pourraient pas passer dans une collectivité locale ou qui ne seraient pas convaincus du bien-fondé de l'intégration ou qui appartiennent à des corps qui se trouvent sans cadres d'emplois équivalents dans la fonction publique territoriale, il pourrait être accordé un détachement de longue durée. Cette formule a déjà été expérimentée dans le passé et permet de faire face à des situations particulières (quand l'agent est près de l'âge de la retraite, par exemple, et a peu d'intérêt â rejoindre une collectivité locale).

 

Toutefois, l'intégration resterait toujours possible, car il ne serait pas souhaitable de « geler » la situation d'agents qui, après avoir été réticents dans un premier temps verraient d'un oeil plus favorable leur insertion dans la fonction publique territoriale.

 

c) La formation des personnels

 

Les fonctionnaires de l'État de certains corps de catégorie A ou B sont, après concours, nommés en qualité d'élèves et bénéficient d'une période de formation en école préalablement à leur nomination ou leur titularisation.

 

Dans le cadre des mouvements de personnels accompagnant les transferts de compétences vers la fonction publique territoriale, la question de l'avenir de certaines écoles d'État est susceptible de se poser.

 

Je tiens à préciser que, du point de vue juridique, rien ne s'oppose à ce que les écoles de l'Etat forment en même temps des fonctionnaires territoriaux. Cette disposition est prévue à l'art. 23 de la loi n° 84-594 du 12 juillet 1984 relative à la formation des agents de la fonction publique territoriale.

 

L'article 24 de la même loi précise que « le Centre national de la fonction publique territoriale peut passer des conventions avec les écoles relevant de l'Etat pour l'organisation de concours communs en vue de recruter simultanément des fonctionnaires territoriaux et des fonctionnaires de l'Etat » : le meilleur exemple en ce domaine est celui des conservateurs du patrimoine, formés à l'Institut National du Patrimoine et qui peuvent s'orienter, à l'issue de la scolarité, soit vers un corps de l'Etat, soit vers un cadre d'emploi de la territoriale.

 

Il va de soi, cependant, que les formations initiales ne peuvent être communes que si, dans les statuts des établissements eux-mêmes, les modalités de formation sont définies de manière proche ou complémentaire tant dans le contenu que dans la durée. Ceci pourrait conduire, dans certains cas, à revoir ces décrets statutaires de façon à élargir les compétences des établissements à la fonction publique territoriale, ou, à l'occasion, à la fonction publique hospitalière.

 

La question de la formation ne se pose pas pour les corps techniques, ouvriers et de services qui ne sont pas formés en école spécifique.

 

Elle se pose surtout pour la filière « ingénieurs » qui dispose d'établissements de formation à la fois spécifiques, anciens et prestigieux. Mais, je ne doute pas que des solutions ne puissent être trouvées tant avec ces établissements qu'avec leurs tutelles pour trouver des solutions adaptées à la fonction publique de demain,

 

III - La méthode de travail que nous pourrions, adopter pour les semaines  qui- viennent.

 

Parallèlement au travail législatif dont je vous ai parlé liminairement, le Gouvernement souhaite entreprendre avec les organisations syndicales une concertation approfondie, et pourquoi pas même, si vous le souhaitez, une négociation.

 

Ainsi que je vous l'avais indiqué le 17 décembre dernier, il nous semble utile qu'au-delà des contacts que nous pouvons avoir aujourd'hui, un dialogue s'instaure avec les organisations représentatives des personnels au plan local.

 

Les préfets pourraient, d'ici à la fin du mois de mars, procéder dans chaque département à une consultation de vos représentants sur la question des transferts de personnel. Cette information s'adresserait, en premier lieu, aux agents de la fonction publique de l'Etat, mais je me demande s'il ne serait pas utile et mutuellement enrichissant qu'elle s'ouvre également aux représentants de la fonction publique territoriale directement intéressés par ces transferts.

 

Par ailleurs, une concertation pourrait avoir lieu sur les mêmes sujets au sein des services déconcentrés des départements ministériels qui en éprouveraient le besoin, à l'initiative de leurs chefs de service.

 

Enfin, comme je vous l'ai indiqué précédemment, je réunirai, dès que possible, une conférence des trois conseils supérieurs de la fonction publique.

 

Il va de soit que le dialogue qu'entend ouvrir le Gouvernement s'étend, au-delà des personnels, à leurs futurs employeurs. C'est pourquoi nous mènerons parallèlement des consultations avec les grandes associations d'élus que vous connaissez et qui sont des partenaires incontournables de la réforme ; AMF, ADF, ARF et, au besoin, la Fédération hospitalière française.

 

Le Gouvernement vous propose donc d'engager des discussions sur les modalités de transfert des personnels de l'Etat aux collectivités territoriales. Au sein, par exemple, de plusieurs groupes de. travail pourraient être évoquées les différentes formules que je viens de vous présenter avec comparaison de la situation des différents corps et cadres d'emplois.

 

Ces discussions, ou cette négociation, devraient se dérouler, dans un délai compatible avec le calendrier législatif de la réforme. Sur un certain nombre de points, les représentants de vos organisations issus de la fonction publique territoriale devraient être associés aux travaux.

 

Je n'aurai garde, en terminant d'évoquer la situation des personnels dans le cadre des expérimentations prévues par la loi de réforme constitutionnelle.

 

Ici, comme je l'ai également indiqué le 17 décembre dernier et sous réserve de difficultés imprévues qui pourraient apparaître ou que vous nous signaleriez, la règle sera celle de la mise à disposition pour tous les agents. A l'issue de l'expérimentation, ceux-ci auraient vocation soit à retrouver leur situation d'origine au sein des services de l'État, soit à opter, comme les personnels transférés dès l'origine, entre l'intégration et le détachement de longue durée.

 

J'en terminerai là, en vous invitant maintenant à me faire part de vos observations ou de vos propositions tant sur les lignes générales du dispositif envisagé que sur la méthode qui vous est proposée.

Actualisé le 4 février 2003